Jazz à Juan : de Dee Dee à Melody, la soirée des ladies
|Cette année, Juan-Les-Pins fête les 50 ans de son festival de jazz créé en … 1960 (ça va, je vois que vous suivez). Dans ma ville natale, je ne pouvais manquer l’événement d’autant que je serai absent pendant les 15 jours du Nice Jazz Festival. J’avais choisi d’assister à la "ladies night" qui associait Dee Dee Bridgewater (que je connaissais bien), avec Melody Gardot (que je découvrais sur scène).
Dee Dee, je l’adore. Je l’avais déjà vue plusieurs fois à Nice et à Juan. Samedi soir, elle était en pleine forme. Le groupe est entré en premier : un contrebassiste, un batteur (que Dee Dee présente comme le meilleur du monde) et un saxophoniste (excellent), trois noirs au crâne rasé dirigés par un pianiste blond. Puis Dee Dee est arrivée sur scène dans une robe blanche à motifs, le crâne rasé, des lunettes de soleil contre le soleil couchant et un éventail en main. Elle nous explique que le concert sera consacré à Billie Holiday et entame Lady sings the blues. Elle raconte ensuite comme dans un sketch, qu’après trois mariages, elle cherche toujours l’homme de sa vie puis nous sert son numéro favori : le discours en anglais avec un accent français. Succès garanti. Elle entame alors pour My mother’s son in law (qu’elle traduit par "le beau-fils de ma mère" au cours de la chanson) un dialogue musical très réussi avec son contrebassiste.
Tour à tour panthère et peluche, Dee Dee est au somment de sa forme vocale : aigus parfaits, puissance et maîtrise, avec son fameux scat vocal où elle se transforme en trombone et même son imitation de la Billie qu’elle a incarnée dans une comédie musicale il y a 25 ans. Alternant moments de bravoure musicale du groupe (auquel est venu s’ajouter un jeune trompettiste très doué) avec ses anecdotes (le récit de ses achats dans Juan la veille : la robe qu’elle porte et un maillot deux pièces qu’elle a osé porté … dans sa chambre!) Dee Dee Bridgewater a largement mérité l’ovation debout d’une pinède comble à l’issue d’une heure vingt de bonheur. Le sien et le nôtre.
Le jour et la nuit. Une fois le soleil flamboyant couché, Melody Gardot est arrivée, canne en main, sur une scène magnifiquement éclairée d’ombres et de lumières. Elle a installé une atmosphère impressionniste par petites touches musicales, en commençant par effleurer les cordes du Steinway à l’intérieur de la caisse de résonance. Elle a ensuite susurré ses mélodies les lèvres collées au micro, la perruque blonde en émoi, balançant son bassin comme pour mieux offrir au public un profil moulé par sa robe comme par un sculpteur : évanescente incarnation de Marylin. Commençant en français et continuant vite en anglais, Melody parle avec une voix calme mais un débit très rapide. Après avoir salué la prestation de Dee Dee, elle nous dit sa chance d’être entourée de quatre hommes pour la soirée. Mais pour faciliter les choses, elle choisit de les prendre un par un pour nous les présenter. Elle commence par son saxophoniste, dont elle semble le plus proche même si elle se montre tactile avec les autres aussi.
Tous les musiciens auront l’occasion de montrer leur virtuosité : entre flûtes et saxophones, le saxophoniste ira jusqu’à jouer avec deux saxs … en même temps. Le batteur, qui est en même temps percussionniste, peut aussi bien jouer avec des baguettes, des balais, des maillets ou avec ses paumes, ou se lancer dans un solo de cymbales. Le contrebassiste, par ailleurs très groovy, ajoute un effet wha-wha à son instrument et prend son archet pour donner l’illusion d’un violon arabe. Quand au violoncelliste, il est proprement hallucinant puisqu’il va jusqu’à utiliser son instrument comme une guitare même en position verticale!
La douce bise qui annonçait l’arrivée de Gardot s’est peu à peu changée en bourrasques. Mais malgré une scène qui craque, la diva continue à distiller ses chansons d’amour ("l’amour est une addiction qui fait du bien et, même si elle te pousse à déménager, tu finis toujours par récupérer tes affaires!"). A la voix, au piano, à la guitare ou aux clochettes, Melody chante Les étoiles en français sous le ciel de la côte et face aux oliviers. S’en suit un passage lent un peu trop long mais Melody fait ensuite monter la sauce dans des rythmes brésiliens très bien menés où elle pousse le public à participer. Après son répertoire, elle choisit un final de reprises éblouissant : un Caravane époustouflant, un mélange Over the rainbow/Fever superbe et Summertime seule avec son contrebassiste. Etre ici, c’est comme un rêve pour elle. Pour le public, le bonheur aura été bien réel.
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